Une série de podcasts réalisée dans la continuité du spectacle de Caroline Bernard, "Don't Make A (Psycho)Drama, We're Still In A Game". La metteuse en scène donne la parole à une dizaine de personnes liées aux alternatives à la psychiatrie.

Ansgar s’interroge parfois sur le sens de son métier dans une société qui fabrique structurellement du traumatisme. Depuis quelques années, il ouvre sa pratique aux psychédéliques et soulage des patients qui résistent aux traitements psychiatriques classiques. Une approche qui déconcerte parfois le milieu médical car elle échappe aux moyens classiques de l’évaluation.

Myriam fait partie des premières patientes à avoir bénéficié de programmes de soins aux psychédéliques en Suisse. Résistante à toute la panoplie des pilules traditionnelles de la psychiatrie durant des décennies, c’est dans ces expériences quasi mystiques qu’elle a trouvé enfin un soulagement.

Pour compléter, un peu d’Histoire… par Camille Jaccard

Les psychédéliques (du grec psyché « âme » et de deloo « rendre visible, révéler ») connaissent, depuis quelques années, un retour sur la scène scientifique et médicale. Ces substances, découvertes dans les années 1950 en même temps que les neuroleptiques, les antidépresseurs et autres tranquillisants, ont pourtant vu leur usage banni des protocoles de recherche dans les années 1970. Cette interdiction résulte d'une combinaison de pressions politiques et d’un durcissement des normes scientifiques et réglementaires, dans un contexte où la consommation de psychédéliques, comme le LSD associée aux mouvements contestataires, d’opposition à la guerre du Vietnam et à la lutte pour les droits civiques aux États-Unis inquiétaient les autorités.

Si la législation évolue progressivement aujourd’hui sous l'impulsion de la recherche et de mouvements citoyens, le retour des psychédéliques sur la scène médicale est-il cependant dégagé des questions politiques qui concernent plus globalement les médicaments psychoactifs? Ces enjeux dépassent le problème de l'efficacité pharmacologique et rappellent ce que la psychiatre Gladys Swain appelait les « paradoxes épistémologiques » des psychotropes : à savoir les tensions récurrentes, parfois inconciliables, qui traversent la manière dont la médecine mentale pense son objet, ses outils et ses finalités.

L’histoire de la psychiatrie est, en effet, jalonnée de ces moments où l’apparition d’une nouvelle substance chimique a questionné les frontières du pensable et du praticable. Au XIXe siècle déjà, le médecin Jacques Moreau de Tours explorait les effets du haschisch pour mieux comprendre l’aliénation mentale. Un siècle plus tard, l’arrivée du Largactil en 1952, premier neuroleptique moderne, a transformé les pratiques, les institutions et même les représentations collectives de la folie. Mais, comme le notait Swain, ces avancées n’ont jamais effacé les dilemmes constitutifs du champ psychiatrique. Chaque progrès chimique réactive au contraire de vieilles tentations : celle de réduire la maladie mentale à un désordre strictement médical, ou au contraire celle d’en faire surtout une question sociale, institutionnelle, voire existentielle.

Ces substances, par leur mode d’action singulier, remettront-elles en cause le partage établi entre soin biologique et expérience subjective ?  La frontière entre la médecine du cerveau et l’accompagnement de l’esprit, entre la chimie et le sens ? Permettront-elles de dépasser les clivages anciens entre « médicalisation » et « socialisation » pour développer une approche pluraliste, attentive à la fois aux mécanismes neurobiologiques, aux contextes sociaux et aux expériences subjectives des patients ?

Pour aller plus loin :

Dubus, Z. (2020). Marginalisation, stigmatisation et abandon du LSD en médecine. Histoire, médecine et santé, 15, 87-105.

Swain, G. (1987). Chimie, cerveau, esprit et société Paradoxes épistémologiques des psychotropes en médecine mentale. Le Débat, 47(5), 172-183.

Chimie, cerveau, esprit et société

Générique :

Cet épisode a été enregistré dans les studios de Fréquence Banane à Lausanne.

Un podcast réalisé par Delphine Wuest et Rachel Maisonneuve, sur une proposition de Caroline Bernard et Camille Jaccard.
Création sonore: Toco Vervish
Une production de La Grange / Centre Arts et Sciences / UNIL et l’Atelier des histoires de l’université de Lausanne, en collaboration avec Radio Bascule.

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L'épisode 3, Ansgar et Myriam a été diffusé le lundi 29 septembre à 20h sur_Radio Vostok_
Crédits photo: Caroline Bernard
Publié en septembre 2025

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