Si la question de l’attention n’y est pas envisagée hors du prisme de l’utilité, en lien avec le travail, une invitation à l’écoute émerge des entretiens, à se noyer dans le rythme et dans la répétition des sons, à l’affût de la moindre anomalie.
Ne faire que ce qui nous chante explore quelques relations au son dans le contexte du travail paysan qui donnent lieu à une appréciation esthétique particulière, utilitaire, susceptible d’informer de la bonne ou de la mauvaise marche d’une activité. Cette pièce se construit à partir de témoignages d’agriculteurs et d’enregistrements de leurs outils de travail, et propose une plongée dans des environnements sonores particuliers. La monotonie et l’intensité qui y règnent demandent aux agriculteurs qui les pratiquent de faire preuve d’une attention distraite aux bruits alliés mécaniques, animaliers ou organiques: surveiller leurs cris de près sans se laisser envoûter par leurs chants. L’oreille, alerte, doit avant tout aider les paysans que j’ai interrogés à mener leur tâche à bien, en se plaçant à une juste distance des motifs et rythmes sonores qui les entourent, afin de s’en servir comme vérificateurs.
Il s’en dégage néanmoins une sensibilité esthétique, presque musicale, bercée par la régularité des sons, en résonance avec un certain ordre de l’audible. Les témoignages se répondent étrangement, dans un souci commun d’entendre le travail se faire bien. Les voix, captées sur leurs lieux d’activité, se mêlent aux sons alentour, les commentent prudemment, puis disparaissent dans le flot continu qui nous emmène de l’un à l’autre.
Cette proposition avait pour but de se focaliser principalement sur les bruits qu’on fait ou qui se font dans le monde agricole, sur ce que ces bruits font faire, et comment on veut bien les raconter. Mon idée était de m’adresser directement à quelques agriculteur.ice.s pour leur demander quels sons les enchantent, les alertent ou les informent, afin de proposer un moment de partage subjectif, comme un itinéraire par l’écoute en campagne dont iels sont les guides.
Cette envie de travailler sur la question de l’environnement sonore agricole découle d’Insub.polytopies, un projet de l’association Insubordinations auquel j’ai participé pendant deux ans et qui s’est intéressé aux transversalités possibles entre les pratiques musicales et agricoles, dans le folklore et dans la création contemporaine, à la recherche d’imaginaires conjoints ou voisins, à même de dévier certaines manières de faire bien installées et de permettre des pas de côté qui donnent lieu à de nouvelles formes en musique.
Crédits:
Avec dans leur ordre d’apparition, la participation et les témoignages de:
Yves Grolimund, agriculteur, Satigny
Maxime Dethurens, agriculteur, Laconnex
Stéphane, Léo et Axel Dupraz, agriculteurs, Soral
Samuel Läng, agriculteur, Laconnex
Enregistrement, composition et mixage:
Antoine Läng
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Podcast produit dans le cadre de l'appel à projets de Radio Bascule 2023-2024
Publié en janvier 2024
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