Midi Bascule

S3E26 Interview - Écrire de la SF pour révéler le présent, avec Antoine Jaquier

L'auteur vaudois Antoine Jaquier explore le genre de la science-fiction dans ses deux derniers romans, entre intelligence artificielle et effondrement.

Prendre la plume

Dans les méandres d’un genre qui en dit long sur son présent tout en affirmant parler du futur, Antoine Jaquier, spécialiste en management culturel et écrivain, enchante les amateurs de SF avec deux de ses romans, Simili-love et Tous les arbres au-dessous. Il débarque avec fracas en publiant son premier roman Ils sont tous morts en 2013, couronné l’année suivante du prix Edouard Rod. Son deuxième livre, Les chiens, paraît en 2015, et il décroche lui aussi un prix, celui des lecteurs de la Ville de Lausanne. Suivra Légère et court-vêtue en 2017. Antoine Jaquier grandit dans une configuration familiale faite de goût pour la pédagogie, pour l’acquisition des connaissances et pour les belles mécaniques horlogères finement ouvragées, ce qui a contribué à l’émergence de sa pratique littéraire. Entouré de livres depuis toujours - la lecture a façonné son quotidien - il dévore d'abord des bandes dessinées, de Spirou à Tintin avant de découvrir Bilal et Mœbius. Il rencontre l'écriture en répondant à des concours de nouvelles dans sa vingtaine, jusqu'au jour où ses amis lui lancent un défi: écrire un roman.

Écrire de la science-fiction

Ses premiers romans ne relèvent pas de la SF. Ainsi, Ils sont tous morts évoque les ravages de la drogue sur un groupe de jeunes issus de la campagne vaudoise. Lorsqu'il rédige Simili-love, il n'associe pas immédiatement le terme de science-fiction à l'histoire qu'il construit, bien qu'il s'inspire d'Aldous Huxley et du Meilleur des mondes, et explore les thèmes de l'I.A. et de l'androïde. Il imagine trois castes dans la société de son roman: les inutiles, qui représentent 70% de la population, les désignés, les 25% servant les 5% restants, l'élite. Si cela semble futuriste, Antoine Jaquier propose une autre explication:

On est en fait là-dedans, mais les choses sont non dites.

Maxime, son protagoniste, est scénariste. Il vit dans un monde qui a été complètement remodelé par La Grande Lumière, soit ce moment où Foogle, sorte de méga-GAFA tentaculaire, a décidé que toutes les traces de nos vies numériques seraient désormais en accès libre, consultables par n’importe qui. Tout le monde se retrouve à poil. S’y ajoutent cette division de la société en trois castes, l’explosion de l’I.A. et l’omniprésence des androïdes de compagnie. Après cette première expédition dans le monde de l'écriture de science-fiction, Antoine Jaquier explique que le rôle de l'auteur de SF est de faire émerger l'espoir d'un nouveau monde possible, un objectif rarement atteint:

On ne va pas vers le beau, comme on dit chez nous.

Dans Tous les arbres au-dessous, c’est fait, l’effondrement a eu lieu. On y suit Salvatore, un homme mûr, un Parisien pur sucre qui a troqué la rébellion de ses jeunes années contre un boulot dans la communication et un engagement dérisoire pour les énergies vertes. Mais fin nez, il s’est préparé. Il a acheté une ferme paumée dans un alpage des Vosges et stocké vivres, armes, livres et médicaments. Quand les structures étatiques s’écroulent, il file se réfugier là-bas, où il végète quelques années avant qu’une jeune sauvageonne, Mira, et un dandy androgyne et sa vache ne viennent troubler son isolement.

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Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 3 mai 2024
Publiée le 6 mai 2024
Crédits photo: Antoine Jaquier

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