Midi Bascule

S3E09 Chronique d'Olivier - Machine, elle est badass!

Entendre des femmes conductrices de machines de chantier a mis Olivier Mottaz en joie. On se demande bien pourquoi et quel est le lien avec l’imaginaire des héroïnes badass…

La réponse dans cette chronique, où il est aussi question des vertus climato- ou ostéo-destructrices des mâles au volant, surtout quand ils pilotent une Lamborghini ou des pelleteuses.

Marie-Eve: Lui, il a parfois les emportements d’un bulldozer, le caractère encombrant d’une dameuse, le snobisme d’une grue et le côté cynique d’une tractopelle. Il était donc la personne toute désignée pour dire pas mal de bêtises sur le sujet du jour. Je veux parler d’Olivier bien sûr. Alors on t’écoute, à nos risques et périls…

Elle est bien, hein, notre animatrice? La langue bien pendue, l’esprit clair, la résistance au stress d’un bloc d’alliage alien à mémoire de forme, bref une pro pilotant détendue ce paquebot qu’est une émission hebdomadaire en direct. J’ai carrément envie de dire: Machine, elle est badass!

M.-E.: Non mais hé, c’est moi que tu appelles Machine?  

Mais c’est un titre honorifique, Marie-Eve, pas une insulte! Et je le fais bien sûr par référence aux conductrices de machines de chantier cyclopéennes que nous pouvons entendre dans le podcast de nos invitées, où l’on entend d’ailleurs et les machines, et les conductrices. Le résultat? Une symphonie absolument jouissive. C’est tout simple: j’ai été ensorcelé par ce podcast.

Et c’est là que tu vas me rétorquer Marie-Eve: ouaaaaiis, d’accord, je vois, tu flashais gamin sur les Monster Trucks ou alors un 24 décembre tes parents ne t'ont pas offert le porte-conteneur télécommandé que tu avais mis sur ta liste au Père Noël, du coup tu as macéré toute ta vie dans une frustration terrible, et tu as donc jeté un regard au final malaisant sur le podcast, que tu as décoré de je ne sais quels fantasmes issus du partiarcat rance et patati et patata…

M.-E.: Oui, ce même patriarcat qui t’amène à me piquer mes relances.

Mais pas du tout, je viens de t’en laisser une d’ailleurs. Et tu m’as mal compris. Machines a certes éveillé en moi un imaginaire hétéronormé, l’imaginaire des héroïnes badass qui peuplent la littérature, le cinéma et d’autres formes d’art, OK. Cela dit…

M.-E.: Taratata hep hep hep, commence déjà par nous dire ce que tu entends par héroïne badass.

Comment reconnaître une héroïne badass? Ce n'est pas sorcier. Si, à l’énoncé de cette expression, il vous vient comme première image celle de votre mère armée d’une feuille de boucher et coursant votre père pour le raccourcir d’une tête, en l’occurrence vous n’avez pas connu une héroïne badass, vous avez eu une enfance dysfonctionnelle.

Bien. Maintenant que nous savons ce qu’elle n’est pas, intéressons-nous à ce qu’elle est, l’héroïne badass. Disons pour faire court qu’elle a le palpitant bien accroché et qu’elle prend les choses en main. Elle ne se soucie pas de marcher sur les plates-bandes des mecs, parce qu’elle va où elle veut, l’héroïne badass. Et elle a un rapport à la technologie et aux machines qui est décomplexé. Elle est en cela une image d’émancipation.

M.-E.: Admettons. Tu pourrais illustrer ton propos?

Sans problème: vive le lieutenant Ripley dans Alien, qui n’hésite pas à endosser l’armure d’un robot de chantier pour savater les crocs du méchant xénomorphe! Vive Lisbeth Salander, la hackeuse écorchée et surdouée des romans Millenium de Stieg Larson, et Lara Croft, la sémillante aventurière vidéoludique, et vive encore la Bonnie Parker du film d’Arthur Penn, qui manie comme personne la mitrailleuse Thompson aux côtés de Clyde Barrow! Non moi je te dis, dès qu’il s’agit de mettre des engins létaux, énormes, contondants ou tranchants dans les mains de quelqu’un, dès qu’il s’agit de remettre les clefs d’une entreprise, d’un Etat ou d’un véhicule colossal à quelqu’un, je milite ardemment pour ce que ce soit à une femme.

Pour la conduite, c’est même valable à partir du tricycle ou de la 2CV. Voyez les statistiques de la circulation routière: concernant les excès de vitesse, l’abus d’alcool ou de stupéfiants, les accidents avec dommage corporel ou les accidents mortels, les hommes sont surreprésentés! Donnez à un type quelques verres de fendant et n’importe quel joujou, par exemple une Lamborghini jaune canari, et allez ensuite demander son avis à Léonard Gianadda, vous m’en direz des nouvelles…

Un dernier fait divers, ou plutôt un fait de l’hiver qui peine à s’installer, suffira à vous convaincre du bien-fondé de ma démonstration. Mettons que vous soyez assez con ou affairiste pour persister à vouloir organiser une course de Coupe du monde de ski à Zermatt début novembre, alors que l’automne ressemble de plus en plus à un été attardé sous nos latitudes. Mettons que vous soyez assez sot pour vous dire: pas de problème, allons racler le glacier du Théodule à coups de pelleteuses pour préparer la piste et en dehors du périmètre autorisé s’il vous plaît. Hé bien je prends les paris : si on avait placé certaines des femmes entendues dans Machines aux manettes de ces pelleteuses, je suis sûr qu’elles seraient allées désosser la Lamborghini de Constantin plutôt que d’éviscérer un glacier qui ne leur avait rien fait.

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Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 17 novembre 2023
Publiée le 20 novembre 2023

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