Midi Bascule

S2E30 Chronique de José - Quand l’A.I. fait aïe

Pour sa nouvelle chronique, José Lillo nous a préparé un condensé des contradictions qui ont fait l’actualité de la semaine. Édifiant.

Bon, alors déjà, pour commencer, salut…

Oui ça a l’air un peu pauvre comme début, je sais mais étant donné ce qui va suivre c’est toujours ça de pris alors voilà: salut. Oui, oui, je tergiverse, je temporise… Et pourquoi je vous prie? Pourquoi? Parce que c’est le moment de chroniquer l’actualité. Mais cette semaine, franchement, j’hésite. J’sais pas si vous avez vu passer la gueule de l’actu… mais ça implique de méchamment casser l’ambiance. Parce qu’il se pourrait bien que les choses, déjà, ne seront plus comme avant et que c’est écrit noir sur blanc dans l’actu. Bon, en même temps, dire que les choses ne seront plus jamais comme avant c’est le principe de l’émission. Midi Bascule ça s’appelle comme ça parce que les choses basculent dans totalement autre chose, et nous, ici, on prend la mesure de ces changements. A midi, d’où Midi Bascule, parce que midi c’est l’heure où la matinée bascule dans l’après-midi.

Wow, t’as vu comme on est fort dans cette émission, comme y’a du niveau.

Bon, allez, c’est parti: Lundi, Le Temps, le média suisse de référence, comme il le dit de lui-même avec une certaine satisfaction, constate que «les études se multiplient à propos de l’impact de l’intelligence artificielle sur l’emploi». Mais, tututut, attention, Le Temps invite à «prendre résultats de ces études avec beaucoup de précautions». Genre: Eh oh, on se calme avec la boule de cristal et les prédictions. Même quand elles émanent du Word Economic Forum. Ah ouais, Le Temps, c’est le quotidien qui occupe le sommet de la pyramide alimentaire. Il te bouffe même le World Economic Forum.

Pas de chance pour Le Temps, à peine 24 heures plus tard, mardi, patatra, oups, Arvind Krishna, le directeur d’IBM annonce remplacer par des intelligences artificielles 7'800 de ses collaborateurs administratifs, soit environ un tiers des effectifs de l’entreprise.

Voilà pour l’impact sur l’emploi.

Encore plus fort, ce même lundi, c’est Geoffrey Hinton, l’un de ses pionniers, qui annonce quitter Google afin d’alerter sur les dangers de l’intelligence artificielle. Geoffrey Hinton, si vous ne le savez pas, est le concepteur du principe de « réseau de neurones » qui est à la base des développements de l’intelligence artificielle, ChatGPT inclu. Selon lui, jusqu’à l’année dernière, les progrès étaient puissants, mais restaient inférieurs au langage humain. Ce n’est désormais plus le cas: «Peut-être, dit-il, que ce qu’il se passe dans ces systèmes est en réalité bien mieux que ce qu’il se passe dans un cerveau humain. Avec la quantité astronomique de données qui est fournie aux intelligences artificielles, elles peuvent adopter des comportements imprévisibles. Or c’est un problème, à partir du moment où des IA sont autorisées non seulement à créer du code informatique, mais aussi à l'exécuter de façon autonome». Il ajoute: «Il est impossible d'imaginer comment empêcher des acteurs malveillants de l'utiliser pour faire de mauvaises choses».

Mercredi, confirmation: On apprend que la start-up de surveillance de la désinformation NewsGuard a identifié au moins 49 sites web diffusant des informations générées par des robots conversationnels, certains sont déguisés en sites d’actualité, d’autres partagent des conseils de style de vie, des infos people. Aucun ne révèle qu’il est alimenté par des IA. Ces newsbots offrent des centaines de contenus par jour dont certains inventés de toutes pièces. Leur but : générer des recettes publicitaires. Pour comble, ces sites, avec l’aide de l’I.A. sont créés facilement et en un temps record.

Toujours mercredi: on apprend que la combinaison de la neurobiologie et de l’intelligence artificielle permet de lire les pensées. Oui, oui, lire les pensées. Par un mélange d’imagerie cérébrale et de ChatGPT. L’I.A. arrive à traduire en langage la pensée d'une personne entraînée sans que celle-ci ne s'exprime. «Notre système fonctionne au niveau des idées, de la sémantique, du sens», a dit, lors de la conférence de presse, le neuroscientifique en charge de l’expérience. «Quand les participants imaginaient leurs propres histoires ou visionnaient des films muets, le décodeur était capable de saisir l'essentiel de leur pensée. Ces résultats suggèrent que nous décodons quelque chose qui est plus profond que le langage, puis nous le convertissons en langage». Le neuroscientifique avertit cependant que, «dans un avenir proche, cela pourrait se faire contre la volonté des personnes, par exemple lorsqu'elles dorment, et donc compromettre notre liberté». Il appelle en conclusion «à la mise en place d'une réglementation visant à protéger la vie privée.»

Voilà. Et là, je n’ai couvert que trois jours de la semaine. Franchement, je crois que je n’ai pas besoin de ChatGPT ni d’imagerie cérébrale pour lire en ce moment vos pensées, je n’ai qu’à regarder les tronches de mes camarades et de l’invité dans le studio.


---
Emission diffusée sur Radio Vostok en direct du Forum Meyrin, le 5 mai 2023
Publié le 11 mai 2023
Crédits photo: © Anne Bouchard

0:00 / 0:00