Midi Bascule

S2E27 Chronique de Candice - Méga bassines et maxi violence

C'est le sujet chaud du moment: les méga bassines, des immenses rétentions d'eau en surface, résultat d'un système productiviste qui détruit les terres et s'accapare l'eau. Militer contre devient une prise de risque pour son intégrité physique.

Assez parlé culture, aujourd’hui j’ai envie de parler agriculture. Mais attention, pas agriculture du genre variétés anciennes de cucurbitacées bio locales, plutôt agriculture céréalière intensive qui fâche. On a rarement autant entendu parler du département français des deux sèvres que ces derniers jours, avec Sainte-Soline, ou le scandale des méga bassines. Alors la méga bassine c’est quoi? C’est un peu comme une méga piscine au milieu des champs. Sympa pour les apéros de la CGT agriculture l’été. Surtout que 18 hectares pour une piscine ça fait du monde.

La première question c’est pas tellement à quoi ça sert, mais comment on rempli ces dizaines de terrains de foot aquatiques de 8 mètres de profondeur au milieu de nulle part? C’est très simple. avec une pompe qui prend l’eau de la nappe phréatyque.

La nappe phréatyque est une nappe aquifère, souterraine mais à faible profondeur, formée par l'infiltration des précipitations et alimentant des puits ou des sources.

Bon alors là c’est plus des puits ou des sources mais plus de la moitié de la plaine de plainpalais.

Et donc pourquoi conserver autant d’eau à la surface de la terre? Pour arroser les cultures en été pendant la canicule sans tenir compte des restrictions d’eau! Et oui parce que si t’es agriculteur et que tu as ta propre réserve d’eau, pas besoin de respecter la loi qui s’applique à tout le monde. Sympa. Alors on est d’accord que la méga bassine c’est pas un seul type mégalo qui décide de la construire sur ses terres. C’est un projet public, financé à 80% par l’État français, mais dans lequel les agriculteurs peuvent investir pour arroser leurs plantes. Pratique.

Bien sûr, ça profite à une agriculture intensive business comme le maïs destiné à l’export et à l’élevage industriel. Tout ce qu’on adore. C’est pas comme si aujourd’hui on savait qu’on pouvait miser sur un modèle agricole plus résilient et moins exigent en eau. 

Du coup ça suscite pas mal de protestations dans le milieu. 30'000 personnes se sont rassemblées samedi dernier pour bloquer un des chantiers des méga bassines. C’était la plus grande mobilisation anti-bassines à ce jour. C’est sûr qu’en période de sécheresse hivernale, l’assèchement programmé et subventionné des sols, ça fait un peu chier. Ça et aussi les loutres, les outardes et les anguilles qui sont menacées de disparaitre de l’écosystème.

Bref, y a de quoi être pas contents. Sauf que la police ils sont encore moins contents. Artillerie lourde, hélicos, drones, grenades, LBD, 200 blessés dont deux dans le coma. Tout ça pour protéger un trou dans la terre. Est-ce qu’on n’est pas allés un peu trop loin dans la répression? C’est des gens en bottes de caoutchouc qui organisent des tables rondes et des spectacles pour rappeler que l’eau est un bien commun. Qui essayent de se battre pour préserver l’avenir des générations futures. Pas pour se faire éclater la gueule au flash ball.

C’est enfin là que je relie avec le sujet du jour. Parce que l’idée c’était de parler du corps comme acte de résistance. Bah là c’est ça, sauf que c’est pas voulu. Se faire mutiler par les lanceurs de balles de défense, c’est jamais un choix. D’ailleurs balles de défense ça veut rien dire. Mais alors là où le corps devient vraiment acte de résistance c’est quand la gendarmerie retarde l’arrivée du SAMU sur site pour prendre en charge les blessés graves. En attendant on criminalise le mouvement anti-bassines pour justifier la violence. Et on continue de soutenir les lobbys industriels écocidaires.

Alors oui, utiliser son corps comme outil de résistance c’est bien, mais avoir un corps en entier c’est mieux.

 

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Emission diffusée en direct sur Radio Vostok, le 31 mars 2023
Publié le 3 avril 2023
 

 

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