Midi Bascule

S2E24 Chronique de Candice - Plus de vulves à la télé

Avez-vous déjà vu une vulve qui vous parle ? Non, et bien c'est dommage. Candice parle du court métrage «Blue Vulvettes» de Camille de Pietro. Et aussi des jumelles de James Bond.

J’adorerai vous parler de la reformation de S Club 7, groupe mythique des années 2000 qui jouait dans une sitcom américaine, en mode les anglais à Miami Beach. Quelque part, c’était un peu l’ancêtre des chtis à Mykonos, 3 mecs et 4 nanas qui bossent dans motel pourri sur la côte. Il y avait pas encore la parité, sinon il aurait fallu appeler ça S Club 8 et ça sonne beaucoup moins bien pour la télé américaine.

Vous avez vu comment je relie le sujet à la semaine de l’égalité?

Mais le sujet du jour c'est la Guerre des sexes au chalet, dont j'ai vu les épisodes pour cette émission. Première fois de ma vie que j’ai regardé la RTS! Et j’ai beaucoup aimé! Je dis pas ça parce que le réalisateur est assis à côté de moi en ce moment. C’est sincère. Surtout l’épisode 2, parce qu’on voit des images. Et moi les images, j’adore ça.

Tout d’abord, on assiste à la projection très privée, dans la salle ciné du chalet de luxe, du court métrage de Camille de Pietro Blue Vulvettes. On voit quelques extraits du film à l’écran, et surtout, la réaction en direct des participantex. 

Alors qu'est-ce que «Blue Vulvettes»? Ça commence par des bruits de plaisir solitaire féminin, puis s’ouvre un petit théâtre de marionnettes, ambiance feutrée et rideaux de velours rouge. Un visage d’homme avec des lunettes de serial killer nous annonce qu’on est là, assis tranquillement pour recevoir du divertissement. Jusqu’ici tout va bien. Et là twist, en fait, grâce à Dieu, ce qu’on va voir n’est pas drôle. On n’est pas là pour absorber sans questionnement le ramassis de conneries sexistes qu’on nous sert tous les jours.

Première info: le sexe féminin existe.
Premier acte: les règles et l’impureté de 7 jours décrite dans la Torah.
Deuxième acte: typologies de vulve et chasse aux sorcières, clitoris = diable
Troisième acte: acide phénique et libération du chant de la vulve  

Pendant tout ce temps, c’est des vulves en gros plan qui nous parlent. Personnalisation et désexualisation de l’organe génital qui devient un être à part entière, doté de sentiments et de parole. Puis, générique de fin sur une musique originale et là les vulves prennent vie et se déguisent à la mode de la cour de louis 14 sous une boule à facette. Ambiance.

Alors les réactions dans la salle: Clément a « l’impression d’être violé ». Il n’a pas demandé à voir des images de vulves en gros plan, et il aurait été aussi mal à l’aise si ça avait été des pénis. Mais nous non plus on aime pas recevoir des dick pics quand on n'a rien demandé. Sauf que les représentations de pénis sont bien plus généralisées que celles des vulves et participent à la normalisation du problème. Partout dans la rue, sur les arrêts de bus, dans les toilettes des bars, on voit des dessins de phallus. Et on en a marre de se règne. Il est temps d’inverser la tendance et de laisser la place aux vulves et aux clitoris. C’est ce que fait très bien Camille de Pietro dans son court métrage. J’essaie d’y participer à ma manière, comme ça fait 5 fois que je cite le mot vulve dans cette chronique. 6 fois maintenant.

Il y a une autre séance de visionnage, cette fois ci, je cite, «de films de bonhomme». Qu’est-ce qu’un film de bonhomme? Vaste question. Ici il s’agit de deux James Bond et un Star Wars. On est sur du film grand public, pour ne pas dire culte.

La fameuse scène de Meurs un autre jour où Halle Berry sort de l’eau en bikini orange, poitrine bombée en avant, main qui glisse au ralenti dans les cheveux. Déjà, qui fait ça dans la vraie vie? Et 007 il est là peinard, cigare au bec, adossé au comptoir, jumelles à la main. Et il la mate, à son insu, à travers ses jumelles. Et nous on voit la scène depuis son regard à lui, à travers les ronds dessinés à l’écran par les jumelles. Définition du mal gaze par excellence. Bond est scopofile selon Freud, il prend du plaisir à posséder l’autre par le regard.

Dans la série «les forceurs du cinéma», Han Solo est pas mal non plus. Il oblige la princesse Leila à l’embrasser, tout en lui faisant croire quand fait c’est elle qui en a envie alors qu’elle vient de lui demander deux fois d’arrêter de lui caresser les mains et de lui dire qu’elle aime les hommes gentils. Ok c’est de la fiction, mais le gros problème dans tout ça c’est que ces images ont façonné la construction identitaire et sexuelle de millions de jeunes sur plusieurs générations! Et on n’a jamais vraiment montré d’autres scénarios avec des rapports de force inversés et avec le point de vue de la victime et non pas de l’agresseur.

Les images sont de très forts véhicules de messages, alors quand est-ce qu’on commence à les utiliser pour renverser la domination patriarcale et atteindre l’égalité?  

---
Emission diffusée en direct sur Radio Vostok, le 10 mars 2023
Publié le 13 mars 2023

0:00 / 0:00