Midi Bascule

S2E22 Chronique de Candice - Les invisibles: être homosexuel·le au 20ème siècle

En résonance avec la série de podcasts «La Gaythé» sur laquelle porte cette émission spéciale, Candice s’est intéressée à d’autres récits de vies d’ainés LGBT portés à l’écran par Sébastien Lifshitz dans son film «Les invisibles» sorti en 2012.

«Les médias ne s’intéressent pas aux vieux, et encore moins aux vieux homos.» C’est comme ça que Sébastien Lifshitz explicite le titre de son film, «Les invisibles». On ne les voit pas, ou plutôt, on ne veut pas les voir.

Ils sont nés en France dans l’entre deux guerres et ont choisi une alternative à la norme hétérosexuelle. Pas facile à l’époque, souvent exclus de l’église, de la famille ou même du parti communiste, ils et elles ont affirmé leur choix et en témoignent aujourd’hui. Sept hommes et quatre femmes se livrent face caméra. Le dispositif est très simple. On est là avec eux, assis à table un soir d’été, bercés par les cigales, sur une chaise dans un champ avec des vaches, dans le bureau d’une mairie d’un village de campagne, et on écoute. On écoute leurs histoires du passé qui semble lointain, leurs coups de foudre, leurs révélations, leurs combats, leurs choix. Le choix de la liberté et de la marginalité.

Ce ne sont pas des victimes. Ils ont décidé de vivre et d’assumer. Aujourd’hui ils en rigolent avec beaucoup de tendresse et d’humilité. Et si c’était à refaire, ils feraient sans doute la même chose. 

Des témoignages qui sont toujours essentiels aujourd’hui. Grâce à ces mots et des images d’archives, on apprend sur l’évolution de la société à travers les minorités. Les valeurs, la morale, la tolérance de l’époque.

Qu’est-ce que c’est être différent? Comment s’organiser en groupe?

On évoque le MLF (le mouvement de libération des femmes), le MLAC (mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception), le FHAR (front homosexuel d’action révolutionnaire). Toutes ces luttes qui ont permis aujourd’hui d’appréhender les orientations sexuelles différemment. 

Le réalisateur a cherché pendant deux ans des hommes et des femmes de plus de 70 ans. De classes sociales et de lieux de vies différents. Même si on est souvent à la campagne, proche de la nature des animaux. Des anonymes, mais pas que.

Il y a Thérèse. Thérèse Clerc. Militante féministe élevée dans la religion, qui se rendra compte, après mai 68, à 40 ans passés, de son attirance pour les femmes dans une maison de la forêt de Fontainebleau, le dimanche après-midi, lorsque ses enfants sont chez leur père. Personnage symbolique et charismatique s’il en faut, pour qui le lesbianisme est une évidence du féminisme. Elle sera d’ailleurs filmée à nouveau par Sébastien Lifshitz en 2016 avec «Les vies de Thérèse» dans les derniers mois de sa vie.

«Les Invisibles», c'est 1h55 de délicatesse, d’émotion, de vérité, de sincérité, d’humour et d’amour. On y parle d’intimité et de sexualité avec une aisance déconcertante. Loin des tabous, on nous dit tous des détails qu’on ose pas demander. Un devoir de mémoire essentiel pour ces personnes qui pourraient être nos voisins, nos grands-parents, nos fromagères. Il y a beaucoup de sourires, la colère semble déjà loin. Et ça fait du bien.

De la simplicité plus que de l’invisibilité.


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Emission diffusée en direct sur Radio Vostok, le 24 février 2023
Publié le 26 février 2023

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