Et oui cette fois j’ai pas eu besoin d’aller chercher bien loin pour trouver un film qui illustre le thème du jour. À l’époque de sa sortie, j’avais 22 ans et pas du tout envie de voir un film avec des vieux à poil. D’ailleurs le sujet avait pas mal fait polémique. Et oui, parler des vieux, que ce soit pour leur retraites ou pour leurs corps, on aime pas ça, ça dérange l’ordre social.
Enfin bon, là on ne va pas parler retraites, on va parler gérontophilie.
Définition: La gérontophilie est une paraphilie de type chronophilie dans laquelle un individu est sexuellement attiré par un partenaire sexuel très âgé.
Explications: Paraphilie: comportement sexuel atypique. Chronophilie: excitation due à la différence d'âge.
Ça va donc dans les deux sens. Car la plupart du temps c’est les vieux qui sont attirés par les jeunes, et là, ça choque personne, c’est même normal.
Pour son 8ème long métrage, Bruce LaBruce s’intéresse donc aux jeunes qui kiffent les vieux pour autre chose que leur compte en banque. Lake à 18 ans, beau brun quebequois, chaine en or qui brille, pendentif en croix, surveillant de baignade à la piscine. Il aime dessiner et rouler des pelles qui font du bruit sous son poster de Gandhi à sa copine Désirée. Désirée aime la littérature, le rock alternatif et faire des listes de ses icones féministes préférées. Mais en réalité on s’en fout un peu puisque c’est un film de mecs. Grâce à sa mère alcoolique, Lake trouve un job d’auxiliaire dans une maison de retraite. N’importe quel ado de son âge aurait détesté, mais lui, il adore. Il prend du temps et du plaisir à faire la toilette des papis alités et sur-médicamentés, dans ce parc à vieux, où l’on cache et on minimise ces êtres en fin de vie qu’on réduit à leurs simples fonctions vitales, quand elles marchent encore.
Alors concrètement qu’est-ce qu'il se passe? Et bien Lake tombe amoureux d’un des patients. Et oui parce qu’en plus d’être gérontophile, il est homosexuel! Imaginez la réaction de sa mère quand elle apprend, au petit déjeuner avec un verre de blanc, que son fils couche avec un autre homme qui est vieux et noir. Pas évident. Elle trouve ça déguelasse alors que Lake lui ce qu’il trouve dégueu c’est les conditions de traitements de ces personnes. Bref, le film joue avec les codes de la comédie romantique, il reprend l’esthétique du film indé des seventies et en fait le film le plus grand public de Bruce LaBruce, financé avec de l’argent du contribuable.
Adepte de la pornographie et du hard core, le réalisateur filme ici les corps âgées comme des objets de désirs avec une douceur et une simplicité déconcertante. Il n’y a pas de scènes de sexe explicites mais beaucoup de sensualité dans la proximité de la caméra avec les corps nus, qui se dévoilent peu à peu. Et oui, les vieux c’est érotique, c’est désirable et surtout, ça a une sexualité.
10 ans après, le film transgresse toujours un tabou culturel très fort. Le réalisateur ne s’encombre pas de justifications, c’est au spectateur de se débarrasser de toute pensée moralisatrice. Sensible et innocent, Lake accompli sans le vouloir un acte de résistance et d’insurrection. Il ne voit pas ce qu’il y a de mal, il ne comprend pas pourquoi il devrait se cacher ou s’excuser. Pour lui, son fétiche est moins grave que celui du cuir. Alors qu’en réalité la peau de bête c’est quand même bien moins radical que jouer au docteur avec un mec qui a 4 fois ton âge.
Au final, rien de tout cela n’est contre nature, un corps c’est un corps, la seule chose qui est bloquante, c’est les esprits trop étroits.
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Emission diffusée en direct sur Radio Vostok, le 13 janvier 2023
Publié le 16 janvier 2023
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