Midi Bascule

S3E26 Intégrale - De la SF romande?

La science-fiction est un genre particulièrement propice aux réflexions sur les points de bascule qui caractérisent notre époque. Le hasard est bien fait, c’est précisément le programme éditorial de Midi Bascule depuis bientôt trois ans.

L'évolution de la SF romande 

De la science-fiction en Suisse romande? Si 42 est la réponse à la grande question sur la vie, l’Univers et tout le reste dans Le guide du voyageur galactique de Douglas Adams, c'est à travers d'autres œuvres que ce genre s'exprime par chez nous. Il y a 15 ans déjà, Campiche publiait Défricheurs d’imaginaire, une anthologie de la SF romande sous la direction de Jean-François Thomas. Cet ouvrage regroupe des textes publiés entre 1884 et 2004, ce qui permet de poser un constat introductif réjouissant: oui, la SF existe en Suisse romande, et elle se porte aujourd’hui mieux que jamais, merci pour elle. Elle a ses précurseurs, on peut même remonter jusqu’aux textes conjecturaux que le juriste Emer de Vattel publie au milieu du XVIIIe siècle, parmi lesquels le Projet pour la composition d’un élixir de livres qui vaut franchement le détour. Elle a ses auteurs et ses autrices, comme la Genevoise Noëlle Roger, qui publie plusieurs romans d’anticipation de bonne facture dans la première moitié du XXe siècle. La science-fiction prospère, tant en littérature qu’en BD ou au cinéma, avec des plumes aussi créatives que Laurence Suhner, Stéphane Bovon, Frederik Peeters, ainsi que la sortie il y a trois ans de Tides, un film signé Tim Fehlbaum où beaucoup de critiques ont vu une forme de maturité quasi hollywoodienne dans la conduite du récit et la qualité spectaculaire du résultat.

Écrire la science-fiction

Dans les méandres d’un genre qui en dit long sur son présent tout en affirmant parler du futur, Antoine Jaquier, spécialiste en management culturel et écrivain, enchante les amateurs de SF avec deux de ses romans, Simili-love et Tous les arbres au-dessous. Il débarque avec fracas en publiant son premier roman Ils sont tous morts en 2013, couronné l’année suivante du prix Edouard Rod. Son deuxième livre, Les chiens, paraît en 2015, et il décroche lui aussi un prix, celui des lecteurs de la Ville de Lausanne. Suivra Légère et court-vêtue en 2017. Antoine Jaquier grandit dans une configuration familiale faite de goût pour la pédagogie, pour l’acquisition des connaissances et pour les belles mécaniques horlogères finement ouvragées, ce qui a contribué à l’émergence de sa pratique littéraire. Entouré de livres depuis toujours - la lecture a façonné son quotidien - il dévore d'abord des bandes dessinées, de Spirou à Tintin avant de découvrir Bilal et Mœbius. Il rencontre l'écriture en répondant à des concours de nouvelles dans sa vingtaine, jusqu'au jour où ses amis lui lancent un défi: écrire un roman.

Imaginer le futur pour comprendre le présent

Ses premiers romans ne relèvent pas de la SF. Ainsi, Ils sont tous morts évoque les ravages de la drogue sur un groupe de jeunes issus de la campagne vaudoise. Lorsqu'il rédige Simili-love, il n'associe pas immédiatement le terme de science-fiction à l'histoire qu'il construit, bien qu'il s'inspire d'Aldous Huxley et du Meilleur des mondes, et explore les thèmes de l'I.A. et de l'androïde. Il imagine trois castes dans la société de son roman: les inutiles, qui représentent 70% de la population, les désignés, les 25% servant les 5% restants, l'élite. Si cela semble futuriste, Antoine Jaquier propose une autre explication:

On est en fait là-dedans, mais les choses sont non dites.

Pour lui, le rôle d'un écrivain de SF est de faire émerger l'espoir d'un nouveau monde possible, un objectif rarement atteint:

On ne va pas vers le beau, comme on dit chez nous.

Dans Tous les arbres au-dessous, c’est fait, l’effondrement a eu lieu. On y suit Salvatore, qui s’est préparé. Il a acheté une ferme paumée dans un alpage des Vosges et stocké vivres, armes, livres et médicaments. Quand les structures étatiques s’écroulent, il file se réfugier là-bas, où il végète quelques années avant qu’une jeune sauvageonne, Mira, et un dandy androgyne et sa vache ne viennent troubler son isolement.

Rachel Maisonneuve est allée promener son micro à BDFIL pour y rencontrer d'autres plumes qui contribuent à enrichir la science-fiction. La Suisse romande n’a de loin pas à rougir de ses talents en matière de mauvais genres en général et de science-fiction en particulier. José Lillo constate que la SF est partout, y compris dans des domaines où on ne l’attend pas.

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Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 3 mai 2024
Publiée le 5 mai 2024
Crédits photo: Blade Runner de Ridley Scott © Warner Bros.

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