Midi Bascule

S3E25 Chronique de José - Apocalactyque

Qu’on la boive ou qu’on s’y baigne, l’eau a dernièrement beaucoup fait l’actualité. Il ne sera bientôt plus possible de dire qu’il n’y a pas le feu au lac. Tour d’horizon avec la chronique de José Lillo.

Salut à toi agrégat de molécules et de protons de carbone, d’eau et d’azote. Alors oui, je sais, il y a façon plus guillerette de commencer une chronique que de ramener tout le monde à un tableau chimique périodique, à sa matérialité première, mais c’est que des fois, j'ai l’impression qu’il n'y a plus que ça qui nous relie, nous là, avec toutes nos différenciations clivantes. Et puis bon, si ça refroidit l’ambiance, prenez ça comme ma contribution à la lutte contre le réchauffement climatique, c’est toujours ça de pris sur la grande inaction mondialisée.

Bon, j’ai appris, en préparant cette chronique, qu’il y a même du lithium dans le corps humain. Oh pas beaucoup, mais quand même, même très peu, c’est flippant. Je ne sais pas quelle quantité d’humains il faut pour faire une batterie électrique mais faudrait pas que le lithium vienne à manquer dans les mines, si tu vois ce que je veux dire. La clientèle Tesla est pas très regardante sur la provenance des matériaux de son joujou de deux tonnes. C’est pas parce qu’on serait contraint de prélever du lithium à même les gens que ça freinerait le marché. Quand t’as vu le marché ne pas foncer sur une opportunité? Même s’il faut pour ça marcher sur des cadavres. Quand je pense à tout ce lithium de perdu chaque fois qu’une embarcation de migrants fait naufrage et coule avec la cargaison. Dommage en plus, maintenant qu’on le sait, que ça rajoute du microplastique dans les océans avec tout ce que ça ingère de nanoparticules plastiques un corps humain globalisé, même de provenance subsaharienne.

Comme si c’était pas déjà assez pollué comme ça la mer. Un camion de déchets plastiques par minute qui se déverse dedans, il paraît, 15'000 kilos. Une tonne toutes les trois secondes. Le poids des blagues dans un sketch de Bigard ou la fréquence poétique dans une chanson de Lalanne. Bon, nous, on sait qu’en moyenne générale, on se bouffe cinq grammes de plastique par semaine. Le poids d’une carte de crédit, disent les sites informés, ce qui est assez cynique comme comparaison pour une humanité qui vit à crédit sur ses ressources naturelles, en plus de laisser se noyer ses plus pauvres dans ses villes et sur les flots. Plus d’un milliard quand même à l’échelle mondiale. Les misérables. Mais les misérables, on a envie de dire, ce sont surtout ceux qui ont laissé pourrir la situation ou qui y ont contribué à un degré aussi apocalyptique.

Cinq grammes de microplastique par semaine, ça fait du 250 grammes par an. Ce serait de l’or, ça vaudrait 17'251 balles et 60 centimes, les 250 grammes, mais rêve pas, c’est juste du microplastique. Ça vaut que dalle, à part des problèmes de santé qu’on a encore du mal à identifier. On en a même retrouvé qui circule dans le sang, du microplastique, pas juste dans le bide comme une fondue avant le digestif. Ça peut s’avaler, mais ça peut aussi s’inhaler. Par l’air donc. Putain, moi je ne baise plus en plein air, ni dans l’eau, ni sur la plage, rien. À la maison et fenêtres fermées. Et que ce soit le plus court possible pour réduire les risques. Le palpitant à basse fréquence pour ne pas pomper du plastoc par le nez pendant la cadence. Et pas question de s’hydrater après avec du Perrier, Vittel, Contrex.

J’ai lu ce qu'il s’est passé avec l’eau, les petites magouilles signées Nestlé, avec les traitements interdits et la suspension de ses puits dans le Gard et dans les Vosges jusqu’à nouvel ordre. Déviation microbiologique ponctuelle qu'ils disent, c’est pas le genre de label qui inspire confiance ou alors autant qu’un programme de restauration des océans qui aurait été baptisé Fukushima. C’est con, mais pendant que les responsables économiques et politiques brassent de l’air en matière d’écologie, le lac Léman, lui, ne brasse plus assez ses eaux.

Douze ans que ça dure. Résultat, les nutriments restent au fond et s’asphyxient. Et la teneur en oxygène, elle, reste en surface, alors qu’avant ça se mélangeait. C’est grave au point que maintenant, l’écosystème du lac se la clamse en direct. Si on compare à l’échelle planétaire, la température des eaux du lac Léman se réchauffe quatre à cinq fois plus vite que les océans sous l'effet du réchauffement climatique. Et plus il se réchauffe, plus ça fait de cyanobactéries, lesquelles produisent des toxines. Passé un seuil, c’est la potabilité du lac qui est compromise. Dommage pour un lac qui est le réservoir d’eau d’un million d’habitants en plus d’être le plus grand lac d’Europe occidentale. La seule bonne nouvelle, c’est que quand tout ça arrivera, on ne sera même plus assez hydraté pour pleurer.

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Émission diffusée sur Radio Vostok en direct du Service de la culture de Meyrin, le 26 avril 2024
Publiée le 29 avril 2024
Crédits photo: Anne Bouchard

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