Midi Bascule

S2E24 Chronique de José - Dans la peau d’un partisan de la pub

Cette semaine, notre chroniqueur José Lillo, s’est livré à un exercice médiumnique, ne reculant devant aucun sacrifice, il a pratiqué la transe pour visiter la psyché d’un partisan de la pub.

L’heure est grave. Non, là, les amis, je n’ai pas du tout envie de plaisanter aujourd’hui.

Je me sens comme une barrette de Toblerone sans le Cervin sur l’emballage, comme un berlingot de thé froid de la Migros dans un rayonnage de la Coop, comme une appellation gruyère sur un fromage nord-américain, il y a des matins où on n’a même plus envie de se lever de son lit Ikéa pour aller dans le monde si le monde qu’on nous prépare c’est ça. A Genève, nous sommes à 3 jours d’une votation qui risque de bouleverser à tout jamais la vie sur terre telle que nous la connaissions. Je veux parler de l’initiative qui a le projet d’interdire l’affichage de la publicité commerciale en ville. Oui, vous avez bien entendu. Voilà à quoi les suppôts du néo marxisme-léninisme anarcho bobo zadiste intersectionnel vert woke en arrivent: à vouloir ruiner la cité. J’ai oublié décolonial, cycliste, féministe et trans, mais ces gens là sont dans le coup aussi, évidemment.

Oui, mes amis, ces gauchistes de fin du monde ne rêvent que d’une chose c’est de retrouver le paysage sinistré de pendant la pandémie, avec ses commerces en faillite, ses arcades commerciales vides et ses pancartes liquidation définitive. Voilà à quel désastre nous mènerait l’acceptation par le peuple de cette initiative irresponsable et capitalism-icide. Oui, vous n’avez pas le privilège des mots qui finissent en -cide, les verts.

Parce que, imaginons le pire, imaginons que ça passe. Si on interdit la publicité, qui c’est qui va encore acheter des trucs? Comment on fait sans la publicité pour acheter des trucs? On est perdu, faut qu’on nous stimule un minimum, faut que le PIB tienne le coup, ça se fait pas tout seul, faut maintenir l’enthousiasme. Et qui mieux que les publicitaires pour ça, avec leur amour désintéressé de l’art et leur science de la phrase courte et éloquente: Louis Vuitton, l’invitation au voyage. Ah, j’en ai des frissons tellement c’est beau.

Alors bien sûr, les partisans de l’initiative ironisent: Comme quoi ce qu’on voit placardé en ville c’est surtout de la pub pour les grandes marques internationales, genre Coca-Cola. Oh, deudieu, rien que de prononcer le nom ça me donne soif. J’ai le gosier qui se met à pétiller et je me vois à torse-poil sur une plage, entouré de bimbos avec des corps photoshopés en mode on-est-trop-cool, vive l’amour libre et la crème solaire en spray, rien à battre du climat, c’est l’été, on a nos Ray-ban, on s’en fout. Pardon, je m’égare, j’ai eu un flash, j’sais pas ce qui m’a pris, pardon. Et donc: que la pub profiterait surtout aux grandes marques. Hahaha, et là je me marre, non mais offrez-leur un cerveau à gauche, même en format kinder surprise, ce serait déjà ça.

Parce que qui c’est qui vend du Coca Cola? C’est Coca qui vend du Coca? Non, c’est les commerces locaux qui vendent du Coca, les petites épiceries familiales, les kiosques, les supermarchés, les dépanneurs, les cafés, les restos, les hôtels, les cinémas. Quand une grande marque fait sa pub, ça ruisselle sur toute l’économie locale, bande de baltringues économiques de gauche là, anti-mondialistes d’opérette, bande de Lidl de la pensée… A la fin, c’est de l’emploi et du salaire et donc de la contribution sociale par l’impôt, c’est du vivre-ensemble Coca quand on regarde objectivement.

La Mitsubishi à moteur hybride, à la fois polluante et bio, c’est le concessionnaire local qui la vend! C’est pas Amazon qui va te la livrer dans la boîte aux-lettres. Ton SUV Volvo, tu vas pas te le streamer sur Netflix ou Disney+ avec ton abo, non, ça se vend local ça, ça se vend terroir. Eh oui! Qu’on réfléchisse 2 secondes avant de voter, ce serait bien.

Et puis, la pub, c’est aussi le droit d’être informé. Et le droit d’être informé c’est le pilier de la démocratie. D’ailleurs, je ne comprends pas pourquoi le droit d’être exposé à de la pub est pas encore inscrit dans la constitution. Comment je fais pour savoir que c’est le moment de changer mon smartphone si on me tient dans l’ignorance de l’existence du nouveau Samsung avec défilement ultrafluide ?

Comment je fais pour choisir entre Salt, Swisscom ou Sunrise, si on ne me dit rien. J’ai le droit que je le sache quand même. J’ai le droit de me déterminer en faveur de la marque qui va le mieux capter mon temps de cerveau disponible et pour ça, il faut de la pub en ville. Je suis pour le libre choix du message subliminal moi.

Sans pub, comment je fais pour savoir qu’il y 30% à la Coop sur les barquettes de fraises hors-saison? Que j’ai pas assez de tablettes aux abdos, et que je pue sans Dior Sauvage? Que j’ai les dents jaunes sans Colgate triple action et le slip triste sans Calvin Klein? Que ma femme est pas sortable sans sa crème hydratante, son gel anti-rides et son kit racine-retouche? Que les poils, ça s’épile. Qu’on ferait bien tous les deux de se mettre à la salle de sport si on veut optmiser nos carrières et notre couple.

Heureusement que les standards publicitaires existent. Imagine la laideur du monde sinon. Moi j’dis, la pub, c’est de l’incitation au bonheur, c’est de la cure contre le laisser-aller inhérent à l’espèce. Les dinosaures, ils pratiquaient l’affichage commercial? Non. Et il en reste des dinosaures? Non. Je crois qu’il faut quand même pas avoir fait science-po pour être capable de discerner qu’il y a là un lien de cause à effet assez gros quand même.

Allez, le 12 mars, on vote un grand NON à l’effondrement civilisationnel.

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Emission diffusée en direct sur Radio Vostok, le 10 mars 2023
Crédits Photo: © Anne Bouchard
Publié le 13 mars 2023

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